Sur ce blog nous allons parler surtout des 20 communes du Syndicat de Pays de Marais Poitevin, telles qu' Amuré, Arçais, Bessines, Coulon, Epannes, Frontenay Rohan Rohan, La Rochénard, Le Bourdet, Magné, Mauzé sur le Mignon, Priaires, St Georges de Rex, St Hilaire la Palud, Saint Symphorien, Sansais, Thorigny sur le Mignon, Usseau, Vallans, (Le Vanneau et Prin-Deyrançon étant sur leurs blogs respectifs) ………et du canton de Beauvoir sur Niort.

Ce sera un peu mélangé, mais bon !











mercredi 8 août 2012

Les écoles dans les Deux-Sèvres

Arçais: En 1771, le sieur Jacques Baudry faisait l’écolle à Arçais à raison de 2 livres pour 4 mois, à 2 enfants. Ce même Baudry était barbier, moyennant 3 livres par année et par client. Il était également maçon et menuisier ; sur son livre (1) figure une somme de « une livre dix sous » pour deux châssis. Le nombre des élèves augmenta les années suivantes et s’éleva à une douzaine. Le sieur Baudry enseigna à Arçais jusqu’en 1833, soit pendant 62 ans.

(1)   Une personne d’Arçais détient un registre de comptes qui a appartenu à jacques Baudry ; on y lit des mentions comme celles-ci :

Lamiaud ne payera rien pour le sécoles de ses deux enfants depuis l’an II jusqu’en 1806. reçu 46 battelées de fumier.

Pour un autre enfant, le père payait : 15 sols pour un mois d’écolle, couché et soupe trempée.
En 1807, le sieur Jacques Baudry reçoit, comme maçon et menuisier, pour ouvrage à l’église : 75 fr 79.
Cours d’adultes.
En 1836, l’instituteur d’Arçais faisait un cours du soir, à raison de 5 sous par mois et par élève. Chaque adulte fréquentant le cours était taxé en outre de 0 fr. 18 pour la première livre de chandelle.

Les municipalités se faisaient facilement l’écho des plaintes des familles auxquelles l’instituteur avait cessé de plaire. Voici comment on se débarrassait du sieur Hardy, à Arçais, en 1839. Le 16 juin, les membres du conseil municipal motivaient, ainsi qu’il suit, le refus de voter aucun crédit pour l’école :
Considérant que l’instituteur ne nous parait pas jouir de la confiance des parents, ce qui est prouvé par le défaut d’élèves qui fréquentent plutôt l’école de l’instituteur privé ;
Considérant en outre que les soussignés B., Ch., B., M., membres du conseil municipal, ont reçu des plaintes de quelques pères de famille, dont les enfants ont été refusés par l’instituteur ;
Refusons de voter les dépenses obligatoires de l’instruction primaire.
Le 18 juin, l’instituteur venait protester contre cette délibération, avec les pères de famille qui s’étaient plaints de lui. Cette protestation, dont nous trouvons le procès-verbal dans un registre de la mairie, nous parait mériter d’être reproduite :
L’an mil huit cent trente-neuf, le dix-huit du mois de juin, nous, maire de la commune d’Arçais, soussigné, avons entendu à la mairie le nommé Thibaudeau, charpentier en bateaux, accompagné du sieur Hardy, instituteur communal. Là il nous a déposé qu’il n’avait jamais refusé son fils, que, loin de là, Hardy lui avait demandé plusieurs fois en le rencontrant : Pourquoi m’envoyez-vous pas votre fils ? Il faut me l’envoyer, je l’instruirai pour rien. Sur cette déposition, nous lui avons observé : Comment se fait-il que vous tenez aujourd’hui ce langage, quand vous vous êtes plaint à B. et à Ch., que l’instituteur avait refusé l’entrée de son école à votre enfant ? Je n’ai jamais dit cela, a-t-il répondu, ils ont bien voulu me le faire dire ; ils m’arrachaient les paroles du ventre, dis-ou, dis-ou (dis-le) tout de même, nous ne demandons que cela, tu ne perdras pas ton temps.
En présence de ces dépositions contradictoires, le maire, par un avis du 29 septembre suivant, invite les parents à venir lui présenter leurs réclamations. Le jour même, la nommée Marie Naudin, vient se plaindre de plusieurs faits, entre autres que M. Hardy lui a répondu qu’il n’était pas obligé de faire classe rien que pour son fils indigent. Le conflit devenant de plus en plus aigre, M. Hardy donna sa démission le 26 octobre 1839 dans les termes suivants : «  Je soussigné, instituteur communal d’Arçais, déclare donner ma démission de mes fonctions volontairement, à partir du 1er janvier 1840. »


Bessines: (474 h.). - Le 1er février 1827, le sieur Jean Guibert est autorisé à exercer les fonctions d'instituteur dans la commune de Bessines. Ce Jean Guibert était le fils du maire de l’époque; n'ayant fréquenté que l'école de Magné; il ne possédait aucun diplôme, sachant juste lire, écrire et compter.
En 1842, le Conseil municipal « regrette, vivement que la somme de 20 francs destinée à l'école primaire n'ait pas été dépensée; il espère que l'administration municipale ne négligera plus d'accomplir une de ses plus importantes attributions. »

En 1827, Jean G.. . n'était pas embarrassé, parait-il, pour faire une addition, une soustraction ou une multiplication, mais il ne venait que difficilement à bout de la division, comptant et recomptant pour aboutir à un résultat souvent erroné. Il ne savait pas  beaucoup mieux lire. Un jour, il se fâcha tout rouge, parce qu’un de ses élèves, que son père avait fait lire, prononça le mot fi-guier tel qu'il doit être prononcé : «  Ce n'est pas çà, c'est fi·gu-ier  qu’il faut dire! » clama M. G... Ce G... fut suspendu d'ailleurs en 1836.

A l'école de Bessines, en· 1827 on manquait de principes pour l’enseignement de l’écriture: les débutants avaient à faire d'abord la lettre A, puis la lettre B, et ainsi de suite. Les élèves dont la page était bien faite occupaient une table spéciale. Il n'y avait de places d'honneur que pour l'écriture.

A Bessines, une des punitions favorites de M. Texier,  qui fut instituteur de 1855 à 1866, était d'exposer l'élève coupable aux croisées donnant sur la rue, une règle dans la bouche, « le baillon», comme on l'appelait, avec une pancarte sur la poitrine, portant les mots de fainéant,  menteur, ou autres aménités; écrits en énormes majuscules, et, sur la tête, un grand bonnet de papier, dit « bonnet d'âne »
Extrait du livre « l’Ecole primaire dans les Deux-Sèvres, depuis ses origines jusqu’à nos jours de P. Dauthule (1904)

Coulon: Cas du sieur L…, instituteur à Coulon (13 mars 1850) :
 
            Le comité supérieur,

Vu la plainte de M. le maire de Coulon, du 28 février 1850, contre le sieur L…, instituteur privé en cette commune ;

Vu également le rapport de M. le sous-inspecteur des écoles, en date du 3 mars, dont le double a déjà été envoyé par ce fonctionnaire à M. le Procureur de la République ;
Desquelles pièces il résulte : «  que lors du dernier passage du sous-inspecteur à Coulon, la porte de l’école privée du sieur L… était fermée ; que les élèves étaient épars dans les rues du bourg et livrés à eux-mêmes ; que cet instituteur était renfermé chez lui dans un état complet d’ivresse ; qu’il s’enivre presque tous les jours ainsi, avec des boissons alcooliques qu’il fait acheter par les enfants mêmes qu’on a l’imprudence de lui confier ; que cet instituteur, enfin, dans ses excès de brutale immoralité, menace les autorités et les personnes recommandables du lieu »
Vu les dispositions de l’article 7 de la loi du 28 juin 1833 ;
Après en avoir régulièrement délibéré, décide que copie de la présente délibération et la plainte de M. le maire de Coulon seront adressées à M. le Procureur de la République, avec demande de traduire disciplinairement le sieur L… devant le tribunal de Niort, à raison des faits d’inconduite et d’immoralité susrelatés.
Le tribunal de Niort prononça contre.

FRONTENAY-ROHAN-ROHAN (1.939 h.) :
En 1743, un sieur Pevreau exerce les fonctions de « maître d’école, régent, précepteur de la Jeunesse ». Il enseigne, moyennant une somme très minime, jusqu’en 1786, époque à laquelle il est décédé avec le titre de « maître de pension ». En 1779, un sieur Mounier, Jacques, Laurent, s’établit également comme « maître d’école ». Il exerça jusqu’en l’an II de la république.
FRONTENAY-ROHAN-ROHAN (1.439 h.)
Pendant la période qui nous occupe, cette commune n’a pas cessé d’avoir des instituteurs et des institutrices. L’une de celles-ci, la première en date, a laissé des souvenirs tellement grotesques que nous hésitons à nous en faire l’écho.
Pendant longtemps, un crédit de 150 francs fut inscrit au budget pour aider les instituteurs infirmes et dans le besoin. Le 9 novembre 1844, le sieur Prévost, instituteur communal et maître de pension à Frontenay réclama sa part de ce crédit par une lettre que nous possédons.
Le Conseil municipal rejeta cette réclamation.
Considérant, dit la délibération, que le sieur Robin, par son infirmité et sa bonne volonté, se recommande  à la gratitude communale, le sieur Junin, autre instituteur privé, dont les infirmités, l’indigence et l’âge avancé militent en sa faveur, a droit de concourir à la même bienveillance…
Quant à la réclamation de M. Prévost tendant à obtenir les mêmes subsides, le Conseil, sans s’occuper de « la diction peu mesurée » de cette demande, appréciant avec justice et indépendance la position de chacun des instituteurs, rejette les prétentions de M. Prévost et admet l’insertion de sa lettre au présent procès-verbal.

Le 17 mars 1843, le conseil municipal, réuni par le Préfet pour donner son avis sur l’établissement dans la commune des Dames de la Croix, dites Sœurs de Saint-André, émit à l’unanimité un avis favorable.
Le 19 décembre de la même année, le Conseil municipal de Frontenay s’est réuni pour donner son avis sur l’acceptation par les membres du bureau de bienfaisance, au profit des pauvres de cette commune, de la donation faite par madame veuve de la Bouterie à la congrégation des filles de la Croix, dites de saint-André. Cette donation consiste en une maison située en cette commune et en une rente de mille francs à la charge d’établir dans ce lieu trois soeurs destinées à soigner les malades pauvres, à instruire les jeunes filles et à la charge aussi d’employer annuellement cent francs en distributions de remèdes et de secours aux indigents. Le Conseil municipal fut d’avis d’accepter cette donation.
A Frontenay-Rohan-Rohan, les sieurs Junin (1813-1845) et Robin (1828-1864), étaient redoutés pour leurs corrections brutales ; il y eut, sous leur règne bien des oreilles décollées, des bras et des jambes meurtris. Ils se servaient de gaules d’une longueur démesurée, qu’ils faisaient venir de Damvix (Vendée). Il y eut plus d’une fois des luttes violentes entre les maîtres et les grands élèves.


FORS (761h): Nous avons la liste authentique des instituteurs qui se sont succédé à Fors de 1818 à nos jours. Ce n’est que par des témoignages oraux que nous savons qu’à l’époque de la Révolution l’école fut dirigée par sept instituteurs, dont le premier était Geoffroy, concierge régisseur du château, surnommé le « Boiteux Grenotton », et le second, Martin, ancien curé qui avait abandonné la soutane pour épouser la supérieure d’une communauté religieuse.

Voici comment Danizeau, qui était instituteur privé depuis 10 ans, fut nommé instituteur public en 1835. Le Conseil municipal venait de décider la nomination d’un instituteur communal. Informé de cette décision, Danizeau se munit d’une lettre de recommandation du curé d’Aiffres auprès du préfet, et, enfourchant sa jument, il part au galop pour Niort, d’où il revient quelques heures après avec sa nomination en poche. Le maire lui aussi avait son protégé, mais il arriva trop tard à la Préfecture.
En 1887, fut ouverte l’école mixte du hameau de Pied-Blanc, bâtie et entretenue par les trois communes de Fors, Aiffres et Saint-Symphorien.

Granzay : Peines disciplinaires.- Le comité d’arrondissement était saisi des plaintes contre les instituteurs et prononçait des peines disciplinaires. Il exerçait un contrôle analogue à celui de nos conseils départementaux. Voici quelques cas curieux.
Cas du sieur Noel, instituteur à Granzay :
            Le comité supérieur,
Vu le rapport de M. le sous inspecteur des écoles primaires du département, en date du 28 janvier 1850, qui signale que le sieur Noel Antoine, instituteur communal à Granzay, canton de Beauvoir, « propage hautement les doctrines du communisme ; qu’il prétend, entre autres choses, qu’après vingt années de fermage, la propriété appartient au fermier, que cette propagande effraie avec juste raison les habitants du pays » ;
Vu les dispositions de la loi du 28 juin 1833 et l’article 3 de la loi du 11 janvier 1850 ;
Oui les membres du comité et M. l’Inspecteur dans leurs observations et renseignements ;
Après avoir régulièrement délibéré sur la demande de M. le Préfet concernant cet instituteur ;
Emet l’avis que le sieur Noel Antoine soit révoqué des fonctions d’instituteur communal de Granzay.


GRIPT (261 h.): Il y avait un instituteur à Gript dès 1800 et une institutrice en 1825. Voici la lettre qu’écrivait le maire de Gript au préfet, le 10 octobre 1825, au sujet de la nomination  de Mlle marie Moreau :
Je crois bien qu’elle n’est pas très exercée à l’écriture, même à la lecture, mais cette jeune femme a tant d’autres qualités qu’on doit passer légèrement dessus… Il est évident qu’elle se perfectionnera en instruisant les autres …

A Gript, le mobilier scolaire se composait de vieilles planches supportées par des tréteaux.

Dans l’inventaire de l’école de garçons d’Usseau, en 1838, nous remarquons « 21 clous à vis pour les porte-exemples, 2 fr. ; une sonnette et 15 écriteaux de punitions, 3 fr…. »

A Magné, comme en beaucoup d’endroits, il n’y a avait pas de limite d’âge pour l’entrée à l’école : on voyait l’enfant de 7 à 8 ans coudoyer le conscrit qui venait passer la morte saison sur les bancs de l’école. La morale qui découlait de cette promiscuité de deux âges différents, c’est que « les grands apprenaient la malice aux jeunes. »
En 1830, comme l’instituteur communal de Magné avait beaucoup d’élèves, sa femme, Mme POINTEAU, qui cumulait les fonctions d’institutrice non brevetée et de sage-femme, fut autorisée pat le Conseil municipal à aider son mari.


MAUZE SUR LE MIGNON (1.563 h)
Ecoles protestantes- Histoire de Jean Migault

Le Poitou eut beaucoup à souffrir des dissensions religieuses. En compulsant les vieux registres d’état civil pour rechercher le nombre et la proportion des conjoints qui, à diverses époques, ont signé leur acte de mariage, nous avons été frappé du nombre des actes d’abjuration qui ont été arrachés par la violence aux malheureux habitants des communes protestantes des environs de Niort et de Melle. Ceux qui furent en butte à ces persécutions furent naturellement les maîtres d’écoles. L’un d’eux, Jean Migault, qui enseigna successivement à Fressines, à Mougon et à Mauzé et dut son salut à sa fuite en Hollande, a laissé à ses enfants le récit de sa triste odyssée. Il nous suffira de résumer ici ses aventures pour nous faire une idée du sort réservé pendant cette lamentable période aux instituteurs qui appartenaient à la religion réformée.
Jean Migault avait dix-huit ans quant il se maria et succéda à son père comme maître d’école à Moulay, paroisse de Fressines. « Nous y passâmes, dit-il, quelques années dans la tranquillité la plus parfaite… Comme mon père, je faisais des cours et je lui succédai tout à la fois dans sa profession et dans le petit bien dont il était propriétaire… Malgré les travaux inséparable d’une école nombreuse, je trouvai encore moyen d’exercer les fonctions de notaire jusqu’en 1681 ; j’avais reçu cette charge en 16720 du seigneur de Mougon. Mais une déclaration, publiée alors par le gouvernement de Sa Majesté, exclut les protestants de tous les emplois civils, supprima toutes les charges qui pouvaient se rattacher à notre religion. (Migault était lecteur de l’église de Mougon), et ôta à la plupart de nos frères tout moyen de gagner leur vie… Nous nous vîmes dans l’impossibilité de rester plus longtemps à Moullé. Un changement de résidence nous parut absolument impossible, si nous voulions conserver notre école. »
Jean Migault avait alors onze enfants vivants.
« Les membres de notre consistoire, continue-t-il, m’invitèrent dans les termes les plus pressants à m’établir à Mougon, et m’offrir un traitement annuel de soixante francs, à condition que je continuerais les fonctions de lecteur et de secrétaire. Ce ne fut pas sans hésiter beaucoup que nous acceptâmes cette proposition, avertis, votre mère et moi, par de tristes présages, du sort qui nous attendait à Mougon. »
Il s’y rendit enfin le 13 février 1681, avec toute sa famille et douze de ses pensionnaires. Il y vécut tranquillement pendant quatre ou cinq mois jusqu’à l’arrivée d’un régiment de cavalerie, dont les soldats, missionnaires d’un nouveau genre, avaient déjà porté la ruine dans un grand nombre de villes et de villages du Poitou. Voici ce qu’en dit Jean Migault : «  En général, la troupe n’abandonnait jamais une paroisse tant qu’il restait une famille protestante quelque meuble, quelque effet, la moindre chose dont on pût faire de l’argent ; on exigeait quinze francs pour les officiers supérieurs, neuf francs pour un lieutenant, trois francs pour un soldat, et trente sols pour le moindre individu attaché au régiment. Cette monstrueuse exaction cessait-elle d’être payée ponctuellement, on était dans l’usage invariable de vendre le mobilier et les bestiaux, et même, quand on avait disposé de ces objets, jusqu’aux hardes des malheureux hôtes. »
Voyant approcher l’orage, Migault  avait pris la précaution d’éloigner ses enfants et de les cacher chez des parents ou des amis des paroisses voisines, ne gardant près de lui que sa femme et son nouveau-né, le douzième enfant vivant, âgé de moins d’un mois, confié au soin d’une catholique du voisinage. C’est le 12 août qu’il reçut la visite d’un quartier-maître qui lui demanda, en tenant à la main un billet de logement, s’il avait l’intention de se faire catholique. Sa femme et lui répondirent qu’ils ne voulaient pas changer de religion.

« Quelques instants après, nous vîmes arriver deux soldats qui exhibèrent leurs billets de logement, et qui, après avoir mis leurs chevaux dans mon écurie, commandèrent un dîner dont le menu aurait été, sans aucune exagération, plus que suffisant pour vingt personnes. » Il en vint bientôt deux autres, puis un cinquième, puis quatre nouveaux, tous renchérissant sur leurs compagnons en exigences arbitraires et en imprécations grossières. Ayant appris que le curé de Mougon ne tendait à rien moins qu’à sa ruine complète, Jean Migault se résigna, sur les conseils qui lui furent donnés par des amis, à se cacher à cent pas de maison, après avoir recommandé aux voisins de veiller sur sa femme.
« Les soldats ne se furent pas plutôt douté que je n’étais plus en leur pouvoir, qu’un d’eux suivit votre mère dans une chambre où, malgré des douleurs affreuses, elle s’était traînée, pour y prendre le vin qu’ils demandaient et, la frappant avec violence, la ramena dans la salle. Là cet homme, mêlant la plus barbare ironie à la plus révoltante férocité, représenta qu’il fallait, dans son état, la tenir la plus chaudement possible. On la jeta donc dans un coin de la cheminée pendant qu’on y allumait le feu le plus ardent. Les soldats se firent même un jeu d’alimenter cette espèce de bûcher avec quelques-uns de nos meubles, et, dans le vain espoir de vaincre la constance de leur victime, ils se mirent à outrager le saint nom de Dieu, dans des termes que je n’ose répéter, la menaçant de la brûler, si elle n’abjurait pas de suite le protestantisme. L’ardeur du feu était si insupportable que ces hommes eux-mêmes n’avaient pas la force de rester auprès de la cheminée, et qu’il fallait relever toutes les deux ou trois minutes celui qui était placé près de votre mère. Cette femme admirable… ne perdit pas un seul instant sa tranquillité d’âme. Elle repoussait, avec autant de douceur que de fermeté, les importunités répétées par lesquelles on s’était flatté de la forcer à changer de religion, jusqu’à ce qu’enfin, perdant tout à fait connaissance, elle cessa d’être sensible aux insultes et aux outrages de ces misérables. »
Grâce à la charité d’un vicaire catholique qui était venu officier à Mougon, en l’absence du fanatique prieur, la femme put enfin être arrachée aux mains de ses bourreaux, se cacher elle-même, et aller rejoindre don mari.
« Le lendemain, tous les protestants de notre paroisse firent une abjuration formelle de leur religion, excepté vingt familles qui, abandonnant leurs maisons à l’approche de la cavalerie, s’étaient dispersées dans les bois. Nos lits, notre linge, nos habits, tout ce que nous possédions fut vendu ou détruit ; tout ce que contenaient les maisons abandonnées eut le même sort, et lorsque M. de la Brique (l’officier qui commandait) se fut bien assuré qu’il n’y avait plus de mal à faire à Mougon, il emmena sa troupe à Souché, où il se livra aux mêmes actes de tyrannie, et frappa des mêmes calamités tout ce qui s’y trouva de protestants fidèles. »
Après avoir erré avec ses enfants comme un proscrit pendant plusieurs mois, après avoir eu la douleur de perdre don dernier que sa mère avait dû abandonner aux soins de la nourrice de Mougon, après bien des douloureuses péripéties, Migault, profitant d’une accalmie, vint s’établir, le 31 janvier 1682, au bourg de Mauzé, où il put rouvrir son école et où ses anciens pensionnaires vinrent le rejoindre. Mais il ne tarda pas à être en butte à de nouvelles épreuves. Le 28 février 1683, il eut la douleur de perdre sa digne compagne. Douze jours après, on lui notifiait une déclaration du roi, faisant défense à tout instituteur protestant de recevoir des pensionnaires dans sa maison. Enfin on reçut la nouvelle que les régiments de dragons « étaient en pleine marche sur le Poitou, avec la mission de ruiner sans miséricorde les familles protestantes que les horribles ravages de 1681 n’avaient pu forcer à quitter la province. »
Mauzé dut à de hautes influences d’être épargné jusqu’en 1685. Mais le 23 septembre de cette année, les terribles dragons entrèrent dans la ville ; Jean Migault, qui avait, à l’approche de cette nouvelle tempête, congédié ses élèves et éloigné ses enfants, se trouvait seul. Sa maison fut de nouveau dévastée ; « au départ des soldats, il n’y restait plus que quatre murs.
Pendant deux mois, il fut condamné à errer, se cachant le jour et ne restant jamais plus de deux nuits sous le même toit. Ses enfants dispersés se dérobaient comme lui aux violences de la soldatesque. Un moment il crut trouver refuge au château d’Olbreuse, où il remplissait l’emploi d’intendant, mais une déclaration royale vint défendre aux gentilshommes réformés d’avoir à leur service « aucun individu non catholique romain ». De là de nouvelles perplexités, de cruels embarras. Pendant 15 jours, Migault dut chercher un refuge avec deux de ses filles et une quinzaine de personnes que Madame d’Olbreuse avait été contrainte de congédier, dans un souterrain au milieu d’un bois. Au bout de ce temps, « force fut d’abandonner une habitation aussi malsaine ».
Jean Migault se rendit alors à La Rochelle, dans le but de préparer les moyens de s’évader avec sa famille, mais dès le lendemain de son arrivée, il fut pris, arrêté et enfermé en haut de la tour Saint-Nicolas, en un réduit ménagé dans l’épaisseur de la muraille où il avait à peine la place pour se mouvoir et pas assez pour se coucher. On était au commencement de février ; le froid était vif, et pendant trois ou quatre semaines, le malheureux resta dans cette situation. Au bout de ce temps, sa fille, Jeanneton était venue le voir et lui avait raconté que ses autres enfants erraient dans la Saintonge et le Poitou, repoussés de partout.
Jeanneton supplia son père d’avoir pitié de sa famille ; ses pleurs l’ébranlèrent et quelques jours après, Jean Migault demandait la liberté. On sait à quel prix ! Un officier le conduisit à l’Oratoire : « Ce fut là, dit-il, que j’eus la lâcheté d’écrire mon nom au bas d’un papier qu’on me présenta à signer. Je ne le lus pas, mais pouvais-je douter de ce qu’il contenait ? » Il se reprocha vivement ce moment de faiblesse. Dès lors, il n’eut qu’une pensée, sortir de France. Trois de ses fils y avaient réussi déjà. Enfin, après bien des perplexités et des dangers de toutes sortes, il parvint à s’embarquer avec cinq autres de ses enfants, sur une côte écartée de l’Aunis, le mardi de Pâques 1688.
Le 8 mai, il abordait en Hollande, où sa fille Jeanne, la seule qui fut restée en France, vint le rejoindre quelques semaines après. Il s’établit à Amsterdam, où il reprit sa profession de maître d’école ; au bout de quelques temps, dit-on, il se remaria.
Son récit s’arrête à son établissement en 1689 dans la capitale de la Hollande, où il retrouva enfin la paix et la sécurité. C’est le dénouement qu’on peut souhaiter à un drame aussi poignant.

SAINT-SYMPHORIEN (862 h.) :
Nous avons eu sous les yeux une convention, datée du 26 février 1571, entre Pierre de Châteauneuf, écuyer, demeurant à Saint-Georges-de-Rex, et Me François Brunet, notaire à Saint-Symphorien, en vertu de laquelle ce dernier s’engage « à nourrir, coucher dans sa maison et envoyer à l’école, dirigée par M. Jehan Fardeau, régent, les deux fils de Châteauneuf, moyennant le prix de 90 livres par an pour les deux écoliers. Ce document nous montre que les écoles étaient assez rares et qu’il fallait parfois chercher loin les personnes capables d’enseigner les premiers éléments.

A Sansais, outre les châtiments ordinaires, on usait du pince-nez ou signal : c’était un instrument en bois qui s’accrochait au nez et que les élèves punis se passaient à tour de rôle. Punition très redoutée, mais plutôt humiliante que cruelle.

VALLANS (531 h.)
Vers 1822, le curé de la paroisse avait une sœur qui se chargea d’instruire les garçons au presbytère. Ce fut la première école ; avant cette époque, les enfants allaient en classe dans les commun es voisines à Frontenay ou à la Foye-Monjault. En 1825, deux vieilles filles, sœurs d’un curé défunt, rinrent école dans un local à elles, vaste écurie dont un bout servait de salle de classe et l’autre d’étables à moutons. Ces deux femmes vivaient des denrées alimentaires que leur donnaient les parents ; elles prisaient horriblement et dégoûtaient les élèves.


L’ECOLE PRIMAIRE
DANS LES
DEUX SEVRES
depuis ses origines jusqu’à nos jours